search

Accueil > Animations > Coups de coeur BD > Coup de coeur BD : Britten et associé

Coup de coeur BD : Britten et associé

dimanche 6 octobre 2013, par Odile Cognard

Bande dessinée (policier).
Public : LP et en lycée.

Berry, Hannah. Britten et associé. Casterman, 2009. 1 vol. (101 p.). 24 €. 978-2-203-02039-9.

Voici un titre tout-à-fait original pour les amateurs de polar : vous en connaissez beaucoup, vous, des privés qui sont associés avec un sachet de thé ? C’est le cas de Fernández Britten, enquêteur privé équatorien que tout le monde prend pour un Français, et de son associé, Stewart Brülightly, sachet de thé caustique et philosophe. Il s’agit du reste de la seule invraisemblance du récit, qui respecte à la lettre les codes du genre : noir profond, pluie persistante et chausses-trappes à tous les étages.

Fernández Britten, dit le « Bourreau des coeurs », avait ouvert son agence pour « servir l’humanité et corriger les abus ». Mais depuis dix ans, il n’a fait d’enquêtes que pour le compte de maris jaloux ou d’amants délaissés : parmi ses clients, « la plupart me paient pour que je leur dise ce qu’ils savent déjà, et ceux qui ne le savent pas finiront par le découvrir eux-mêmes. Aucun n’aime ce que j’ai à lui annoncer ». Lassé, il attend qu’on s’adresse à lui pour une vraie affaire : « désormais, je ne sors plus de mon lit à moins d’un meurtre ». C’est précisément ce que lui amène Charlotte Maughton, fille d’un magnat de l’édition, qui prend contact avec lui ce matin-là. Elle a retrouvé son fiancé, Bernard Kudos, pendu dans l’escalier avec une des cravates que lui avait offert son futur beau-père. Berni était un homme de bien (pour tout dire, quand un chien laissait une crotte sur le trottoir, il sortait vite nettoyer avant que quelqu’un ne marche dedans), il n’avait pas d’ennemis et semblait heureux. Charlotte refuse de croire à la thèse du suicide et attend de Britten qu’il fasse la lumière sur cette mort qu’elle trouve suspecte. Peu de pistes a priori : le nom de Kudos, qui évoque quelque chose à notre enquêteur, pour l’avoir croisé quelques années auparavant à l’occasion d’une banale enquête de fidélité conjugale. Mickaël Kudos, le frère de Berni, aurait en effet été le père naturel d’une petite Lenora, que sa mère Frances Murch aurait présentée à son mari Gregory comme sa fille. A part ça, un chèque que Mme Maughton aurait fait à Berni en cachette de sa fille, un employé remercié de la maison d’édition et possiblement mécontent, un secteur caché de Maughton Publishing consacré à la littérature pornographique... Quelques éléments discordants, mais rien de suffisamment solide sur quoi s’appuyer, si ce n’est une certitude érigée en maxime : « si l’on peut se raccrocher à une chose, c’est à la nature chaotique de ce monde ». Britten n’a conservé que quelques principes, dont celui qui est son moteur : la loyauté à celui qui commandite l’enquête.

Profondément noir et toujours réaliste malgré le pas de côté du collaborateur Brülightly, ce polar de grande qualité est aussi un plaisir des yeux. Apparemment classique, il multiplie les angles de vue originaux (plongée et contre-plongée radicales, scène pleine page fragmentée en cases successives) et les très légers décalages graphiques (le visage de Britten est de ce point de vue tout-à-fait remarquable). L’humidité et l’obscurité imprègnent le récit, tandis que le détachement chronique du héros le met à distance. Pour les amateurs du genre, c’est un polar très réussi et plutôt original, à proposer en LP et en lycée.

Coup de coeur de Caroline Vernay, professeure documentaliste au collège de Brienon-sur Armançon jusqu’en 2010, C. Vernay exerce au collège Saint-Exupéry de Saint-Jean-de-Braye (45).

Mai 2010