search

Accueil > Métier et formation > Expérimentations > Création d’une matériauthèque - filière STD2A

Création d’une matériauthèque - filière STD2A

lundi 27 juin 2016, par Magdalene Roche

Nouvelle filière, nouveaux besoins, nouvelles ressources... Et si on créait une matériauthèque ?

Le contexte

Le choix de la mise en place d’une matériauthèque au lycée Henry Moisand à Longchamp est né suite à l’ouverture de la filière STD2A (Sciences et Technologies du Design et des Arts Appliqués).

L’ouverture de cette nouvelle filière demande au personnel enseignant des adaptations et des innovations afin de répondre aux besoins de formation des élèves, dès cette année scolaire 2015-2016 avec la 2nde GT qui introduit les sciences et technologies du design et des arts appliqués avec l’enseignement d’exploration de Création & Culture Design.

Le professeur documentaliste a pour mission de proposer des ressources correspondant aux nouveaux besoins suscités par cette formation. Parmi ces ressources, une matériauthèque constitue un atout majeur aussi bien documentaire que pédagogique. Elle a pour vocation de regrouper des échantillons de matériaux par familles de manière organisée pour répondre à deux objectifs principaux : informer et servir de source d’inspiration pour les élèves menant un travail de conception impliquant la question des matériaux.

Lorsque j’ai débuté l’année scolaire, je n’avais aucune pratique dans la création et la gestion documentaire de matériauthèque. J’imaginais vaguement à quoi cela pouvait ressembler et à quoi cela servait, mais cela n’allait pas plus loin.

Découverte de ce qu’est une matériauthèque

Dans un premier temps, j’ai donc cherché à élargir mes connaissances sur le sujet. J’ai d’abord consulté le document de la DGESCO consacré aux ressources pour la classe pour la filière STD2A dans lequel la matériauthèque est décrite comme étant un « support pédagogique pluridisciplinaire et transversal à tous les pôles » de l’enseignement de Design et d’Arts Appliqués, à savoir « Outils et méthodes », « Arts, techniques et civilisations », « Démarche créative », « Pratique en arts visuels » et « Technologies ». Dans ce document sont également présentés des exemples de différentes exploitations pédagogiques possibles, avec les compétences travaillées. Sa lecture m’a donc permis de mieux comprendre les enjeux d’une telle ressource.

Par la suite, j’ai contacté la professeur documentaliste du lycée de la communication Alain Colas à Nevers qui abrite l’ESSAB (Ecole Supérieure d’Arts Appliqués de Bourgogne). Chargée de la matériauthèque de l’école depuis plusieurs années maintenant, elle a été une interlocutrice qui m’a apportée de nombreux conseils, aussi bien concernant l’aspect collecte des échantillons et gestion documentaire d’une matériauthèque que concernant les possibilités pédagogiques et culturelles en lien avec les matériaux que l’on peut mettre en place avec les professeurs et les élèves.

Si cette année je voulais réaliser aussi bien la mise en place documentaire de la matériauthèque que toucher les élèves en les faisant participer au projet, je me suis au final rendue compte que la première année de création d’une matériauthèque est peu propice à une quelconque exploitation pédagogique, tant sa mise en place demande un travail qui est à lui seul très prenant.

Le choix des matériaux et la collecte des échantillons

Se sont d’abord posées les questions du choix des échantillons de matériaux à intégrer dans la matériauthèque et de leur acquisition.

Je me suis beaucoup aidée de l’ouvrage Matériaux et design produit de Chris Lefteri (Dunod, 2014) pour faire une première sélection de matériaux (environ 50) à collecter pour lancer la matériauthèque. Ce choix s’est fait avec l’aide de la professeur responsable de l’enseignement d’exploration de Création et Culture Design de la classe de 2nde GT, future classe de 1ère STD2A à la rentrée 2016.

Une fois le choix opéré, il a fallu réfléchir à la collecte. La liste des échantillons à acquérir a été diffusée sur l’ENT du lycée à l’ensemble de la communauté éducative, en plus d’être affichée en salle des professeurs. Le projet de matériauthèque avait bien sûr été annoncé et présenté auparavant dans un document récapitulatif transmis à la direction et aux enseignants concernés. Malgré cela, j’ai globalement eu peu de retours en terme de nombre de personnes, mais les personnes ayant participé ont fourni beaucoup d’échantillons proportionnellement au nombre qui était demandé dans la liste. Un professeur d’EPS bricoleur durant son temps libre, les agents techniques du lycée chargés des travaux en cours ainsi qu’un élève ont ainsi fourni une vingtaine d’échantillons à eux seuls. Aussi, afin de valoriser les métiers de la céramique auxquels forme principalement le lycée, il a été décidé d’intégrer des échantillons de céramiques dans la matériauthèque. Des échantillons ont donc été réalisés par les élèves de CAP Tournage et de BMA Céramique après avoir échangé avec les professeurs d’atelier.

Il fallait néanmoins compléter l’acquisition des échantillons en externe en se rendant dans des magasins de bricolage ou d’approvisionnement en textiles. En contactant des responsables de matériauthèques d’écoles de design et d’arts appliqués, j’ai pu obtenir des références de fournisseurs potentiels d’échantillons. Par exemple, la société BEMZ peut envoyer des échantillons de textiles gratuitement. En faisant des recherches sur les projets de matériauthèques en lycée, j’ai également découvert la possibilité de se rendre dans des salons (dans les domaines des loisirs créatifs, de la mode, des matériaux innovants, etc.) pour récupérer des échantillons. De plus, cela peut être l’occasion d’organiser des sorties pédagogiques pour les élèves de STD2A.

A la recherche d’un espace pour la matériauthèque

Qui dit matériauthèque dit lieu de stockage et de présentation des échantillons. Comme le projet avait seulement été évoqué l’année scolaire qui a précédé mon arrivée, aucun budget n’était vraiment prévu pour la mise en place. Une armoire inutilisée a donc été récupérée pour faire office de matériauthèque, mais le meuble est peu adapté pour mettre en valeur des échantillons. En collaborant avec les agents techniques du lycée, l’armoire a pu être améliorée. Des barres latérales ont été fixées et percées pour accrocher les échantillons de textiles et de céramiques & verres. De plus, j’ai réalisé des caisses en bois avec compartiments pour y placer les échantillons de matériaux organiques, de métaux et de plastiques. Cela a permis de mieux valoriser les échantillons. Cependant, il s’agit d’un aménagement qui se veut provisoire, l’espace étant trop réduit pour imaginer un bon développement de la matériauthèque.

Le traitement documentaire des échantillons

Ce qui m’a beaucoup posé question concerne le traitement documentaire des échantillons. Il s’agit en effet de documents atypiques auxquels je n’avais évidemment pas été confrontée au cours de ma formation. Tout comme la professeur documentaliste en charge de la matériauthèque au lycée de la communication Alain Colas, j’ai choisi de créer la nature « Echantillon » dans BCDI afin de faciliter leur recherche. J’ai fait le choix de laisser la partie « description bibliographique » vide, excepté le champ « Titre » où j’indique le nom des matériaux. Toutefois, je n’exclus pas d’utiliser d’autres champs, notamment celui de « collation » qui peut être utile pour indiquer les dimensions si à l’avenir la matériauthèque abrite des objets confectionnés à partir de matériaux en plus des simples échantillons. Mais on pourrait aussi bien le préciser dans le champ « résumé » de l’analyse documentaire. En effet, il est intéressant d’un point de vue pédagogique d’acquérir des objets également, pour que les élèves étudient à partir d’eux leurs différentes mises en œuvre possibles.

C’est plutôt la question de l’indexation qui a mérité davantage de réflexion, et le questionnement reste encore à poursuivre. Alors qu’au départ je pensais qu’il serait possible d’indexer correctement les échantillons à l’aide des descripteurs du thésaurus Motbis, je me suis vite rendue compte qu’en m’y restreignant l’indexation serait incomplète et donc inefficace pour les usagers. Je me suis ensuite demandée si le champ « Mots clés » ne pourrait pas être exploité pour pallier aux manques de Motbis mais pour cela j’aurais dû rentrer de nombreux mots-clés, ce qui est à éviter pour maintenir une certaine cohérence de la base de BCDI. J’ai donc décidé de fonctionner certes par mots-clés, mais de les insérer dans le champ « Résumé » en rédigeant une description du matériau à partir d’eux, une fois que je les ai eu déterminés. Par exemple, pour les échantillons de bois, j’ai établi une liste de mots-clés sur lesquels se baser. Cette liste a été établie suite à mes recherches sur les différents bois, des termes spécifiques revenant régulièrement pour décrire les caractéristiques des bois. Bien que les mots-clés soient principalement insérés dans le champ « Résumé », cela ne veut pas dire qu’il ne faut pas du tout utiliser les termes descripteurs de Motbis. Pour tous les échantillons de bois, j’ai bien évidemment utiliser le descripteur « bois (matériau) ». Ajouter « éco matériau » dans le champ « Mots clés » pour des échantillons de bois, entre autres, est aussi pertinent pour faciliter la recherche.

Suite à une réunion consacrée à la filière STD2A où j’ai pu questionner les enseignants d’arts appliqués pour savoir quelles informations sur les matériaux devaient apparaître en effectuant une recherche sur le portail documentaire selon eux, j’en ai conclu que le plus intéressant pour eux ainsi que pour les élèves était de faire ressortir les éléments suivants à savoir la grande famille et sous-famille auxquelles appartient le matériau, ses propriétés physiques, son aspect, ses domaines d’utilisation ainsi que son incidence sur le développement durable si c’est utile de le préciser. Ces informations sont présentes sur chaque fiche descriptive devant idéalement accompagner chaque échantillon de matériau. Le champ « Résumé » dans BCDI est donc en quelque sorte une synthèse du contenu informatif des fiches descriptives qui font partie intégrante de la matériauthèque.

La cote des échantillons se compose de l’indice CDU correspondant selon le plan de classement établi préalablement, indice qui est précédé des lettres « MA » pour signifier qu’il s’agit d’un échantillon et suivi des trois premières lettres du nom du matériau.

La signalétique

Concernant l’organisation et la présentation des échantillons de matériaux, il est important de ne pas négliger la portée communicationnelle et pédagogique des choix liés aux techniques documentaires utilisées pour mettre à disposition des usagers les ressources. La classification, l’analyse intellectuelle des échantillons dans le logiciel documentaire et la signalétique ont un impact non négligeable sur l’accès aux ressources et donc sur la transmission de connaissances.

C’est pour cette raison qu’en plus des indices chiffrés issus de la CDU, j’ai fait le choix de faire apparaître l’indice lettré « MA » en début de cote (également utile pour la gestion documentaire des échantillons dans la base informatisée), d’ajouter les trois premières lettres du matériau à la suite de l’indice chiffré et de signaler la grande famille à laquelle appartiennent les matériaux à l’aide d’un code couleur comme cela est visible sur les photographies ci-dessous. L’ensemble de ces informations aide les élèves à associer les matériaux à leur famille respective, à se le représenter mentalement grâce à des codes visuels. La deuxième fonction de ces repères est de rendre les usagers autonomes dans leur consultation des échantillons de matériaux. Enfin, la dernière fonction est d’assurer le bon rangement des documents.

De manière à rendre le seul meuble disponible pour réaliser la matériauthèque plus attractif, j’ai réalisé des caisses en pin comprenant différentes cases de rangement pour les familles des matériaux organiques, des métaux et des plastiques. Cela m’a permis de disposer les échantillons d’une même grande famille (par exemple les métaux) dans une même caisse subdivisée en différentes cases selon le nombre de sous-familles (dans le cas des métaux, les métaux ferreux et les métaux non-ferreux). A mon sens, cela permet aux élèves de mieux se représenter la hiérarchie de chaque famille et sous-familles, et donc au final de mieux connaître les matériaux en étant davantage capable de les situer par rapport aux autres. Par manque de place, je ne pouvais pas réaliser cinq caisses pour les cinq grandes familles. C’est pour cette raison que les échantillons de céramiques et de textiles sont suspendus à deux barres sur un encadrement horizontal que l’on peut faire coulisser à l’extérieur du meuble pour observer de plus près les échantillons.

La question de la signalétique a aussi été travaillée avec les élèves de 2nde GT dans le cadre de la conception des fiches descriptives de matériaux. Ces dernières ayant pour vocation d’être à disposition des usagers à proximité de la matériauthèque, elles devront reprendre les codes couleurs des familles de matériaux utilisés pour les cotes des échantillons et les étiquettes collées sur les caisses et le meuble indiquant l’emplacement des échantillons des différentes familles.

Les fiches descriptives

La participation des élèves à l’élaboration des fiches descriptives de matériaux

La conception des fiches descriptives de matériaux s’est déroulée sur le long terme. Plusieurs phases de conception ont été définies préalablement avec ma collègue de Création & Culture Design afin d’organiser le temps de travail des élèves.

Afin de mieux appréhender en quoi consiste une fiche descriptive, j’ai dans un premier temps contacté le responsable de la matériauthèque de la Cité du Design de Saint-Etienne, qui m’a transmis une fiche descriptive en guise d’exemple. Cette fiche, ainsi que le livre Matériaux & Design produit de Chris Lefteri (Dunod, 2014), m’ont aidée dans la préparation des séances consacrées à la conception des fiches descriptives.

Nous avons d’abord travaillé avec les élèves sur les objectifs d’une fiche descriptive, les éléments constitutifs du contenu informationnel et l’élaboration d’un modèle commun de mise en page de ces éléments informationnels. Ce travail s’inscrit dans un apprentissage au design d’information et de communication qui est à rattacher avec le design graphique. A l’image du travail qui peut être demandé dans le monde professionnel, les élèves ont d’abord été amenés à travailler en groupes de réflexion pour ensuite réaliser une mise en commun des idées de chaque groupe. La recherche documentaire sur internet devait initialement avoir lieu au retour des vacances de Noël, mais vu la trop faible connexion internet du lycée, il n’a pas été possible pour les élèves de réaliser les recherches d’informations sur les matériaux, la connexion étant trop faible et les ouvrages du CDI portant sur les matériaux trop peu nombreux. C’est donc moi qui ai dû effectuer le travail de recherche d’information et de rédaction du texte des fiches descriptives, également contrainte par le peu de temps disponible avec cette classe. A travers cet exercice de recherche et de rédaction des fiches descriptives, j’ai eu une approche qui se rapproche de la vulgarisation scientifique. Moi-même n’y connaissant pas grand chose au sujet des matériaux, il m’a été dans un sens plus facile d’adapter le contenu aux élèves.

Afin d’apporter une dimension en arts plastiques aux fiches descriptives, les élèves ont été amenés à réaliser des dessins représentant une utilisation du matériau (objet, construction, habit, etc.) qui ont pour vocation de servir d’illustration pour les fiches descriptives des matériaux correspondants.

Ce travail, fort intéressant, est néanmoins très chronophage. A l’avenir, je pense qu’il faudra compléter ce service des fiches descriptives par un abonnement à des sites internet tels que materiO qui donnent accès à des fiches descriptives en ligne. Cela nécessite bien sûr un certain budget mais aussi une meilleure connexion internet.

Ci-dessous, un exemple de fiche descriptive avec le cuir. La fiche reprend le code couleur vert qui correspond aux matériaux organiques.

Le mot de la fin

La mise en place de la matériauthèque a été une expérience professionnelle riche et variée qui m’a permis de développer des connaissances et compétences dans le domaine de la gestion documentaire. Ce travail m’a poussée à me poser des questions sur les enjeux de la médiation documentaire d’une manière générale, qui peut être menée par le professeur documentaliste à l’aide de multiples méthodes telles que les classifications, l’indexation, l’élaboration d’un plan de classement pertinent sur le long terme, la création d’une signalétique adaptée aux usagers, etc. Je n’aurais certainement pas été amenée à mener un travail nécessitant de se plonger autant dans les techniques documentaires au cours de cette année de stage si je n’avais pas entamé la mise en œuvre de la matériauthèque.

La mise en place de la matériauthèque permet de développer un réel rayonnement du CDI et du professeur documentaliste au sein de l’établissement. Toutefois, c’est une plus-value qui est à envisager sur le long terme, la première année de la mise en place d’un projet de ce type étant davantage axée sur un travail documentaire poussé afin de faire de la matériauthèque une ressource documentaire et pédagogique rapidement exploitable pour l’année scolaire prochaine. Sa création au sein d’un lycée proposant la filière STD2A doit donc être vue comme un réel investissement pour le futur, qui permettra une approche au plus près des matériaux par les élèves avec par exemple un travail de comparaison sensorielle entre différents matériaux, la collecte d’échantillons prise en charge par les élèves, la conception d’expositions thématiques liées aux matériaux (éco-constructions, utilisations artistiques des matériaux, etc.) avec la possibilité d’accueillir des intervenants sur cette même thématique par exemple, que les élèves pourraient contacter eux-même pour organiser l’événement par exemple, etc.