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Coup de coeur BD : L’encre du passé

samedi 5 octobre 2013, par Odile Cognard

Bande dessinée.
Public : lycée, lycée professionnel.

Maël, Bouza. L’encre du passé. Dupuis, 2009. 1 vol. (80 p.). Aire Libre. 15,50 €. 978-2-8001-4380-4.

« Ne crains pas de douter. Pense à une marche épuisante.. les lacets et les sommets se succèdent... et à chaque fois, tu t’efforces de croire que le dernier est enfin arrivé... Mais il y a toujours derrière, une autre colline, puis une autre, une autre encore... Et c’est ainsi qu’on avance, l’esprit tourné vers la colline suivante, sans certitude ». Nous sommes dans le Japon ancien. Par ces mots, Môhitsu Hideo, le calligraphe, cherche à transmettre quelque chose de son art à la jeune Atsuko. Il l’a découverte dans la teinturerie où elle travaille, parce qu’elle a tracé des dessins sur tous les paravents. Devinant son talent, il décide de l’emmener à Edo, pour confier son apprentissage à un peintre renommé de ses amis, Nishimura. Même s’il doit pour cela laisser derrière lui Dame Akemi et tout ce qui aurait pu naître entre eux. Atsuko le suit avec confiance, écoute patiemment ses leçons, découvre la grande ville d’Edo et entre avec ferveur en apprentissage chez Nishimura. Elle a du talent, de l’énergie et de la patience, et le peintre reconnu lui transmet tout ce qu’il faut savoir pour se faire un nom et vivre de son art. Les années passent, Atsuko perd l’inspiration et son maître se meurt... Nishimura envoie son élève chercher Môhitsu pour le saluer une dernière fois. Ce faisant, il lui offre (volontairement ou pas ?) un nouveau départ, parce que la vie consiste parfois à se détacher du passé. C’est ainsi qu’en ayant découvert ce qui aurait pu être différent dans sa vie, chacun peut reprendre sa route et tracer, plus sereinement peut-être, de nouveaux idéogrammes : répondre « confiance » pour « doute », « sagesse » pour « conflit », « voie » pour « errance », et « recommencement » pour « achèvement ».

Imprégné de lenteur et de délicatesse, ce beau récit d’apprentissage rend d’une belle façon l’esprit si particulier du Japon traditionnel. L’enchaînement des situations, les dialogues, les paysages, tout exprime avec justesse la retenue, la sollicitude profonde, et ce qui est plus incompréhensible à notre esprit occidental, l’effacement du moi devant la marche du monde et la cohésion sociale. Parsemés dans le récit tout comme les échappées sur des visions très japonaises de la nature (jardins intérieurs, pierres et arbres noueux), deux haïkus apportent leur musique au mouvement d’ensemble :

« A l’ombre des cerisiers,
l’homme lègue
le savoir à l’enfant »
« Comme par ivresse
Avançant d’un pas léger
Le vent du printemps »

Des calligraphies de Pascal Krieger dialoguent avec le trait précis du dessinateur. Ceux que le Japon passionnent retrouveront dans cet album des échos familiers, les autres pourront en faire une porte d’entrée vers cette culture si différente de la nôtre. Tous devraient être touchés par la justesse et la pudeur de ce récit du temps qui passe ne laissant pas de place aux regrets : « L’encre du passé a séché... »

Pour les lecteurs les plus mûrs, au LP et au lycée (et bien après...).

Coup de coeur de Caroline Vernay, professeure documentaliste au collège de Brienon-sur Armançon jusqu’en 2010, C. Vernay exerce au collège Saint-Exupéry de Saint-Jean-de-Braye (45).

avril 2010